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Management Ernotte: cote d’alerte dépassée

Il en faut du temps pour détruire un esprit d’entreprise, une culture de production, instaurer la brutalité comme norme de commande, tout en la masquant sous des labels bidon et de la com’ achetée dans les médias. Mais cette fois nous y sommes.

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, vient de faire opérer un demi-tour à son projet de transfert autoritaire des salariés de plusieurs émissions historiques de France TV (Télématin, Thalassa, etc) vers l’entité satellite France TV Studio. Elle espère continuer le transfert de ces programmes, mais celui des salariés ne se ferait désormais «que sur la base du volontariat».

Les émissions se feraient-elles donc sans les salariés ? Celà reste quand même à vérifier.

Qu’a-t-il fallu pour en arriver là? La tentative de suicide de l’une des salariés concernés.

Est-elle directement, indirectement ou pas du tout liée à ces transferts?

Difficile d’être affirmatif, mais ce fait a visiblement secoué le 8ème étage.

Celà aurait pu arriver plus tard ou bien plus tôt, tant le management à la schlague – tel que les salariés d’Orange ont pu le connaître – est devenu un réflexe conditionné à FTV, que ce soit en version linéaire ou numérique.Mais attention, une schlague 2.0!

Déjà en 2017, Delphine Ernotte avait dû faire un premier Salto™ arrière quand elle avait voulu transférer l’intégralité des magazines d’investigation vers le privé.

Le mouvement de grève de l’époque l’avait effrayée, mais avait surtout montré que le CSA avait élu une présidente inconsciente des enjeux d’information de la télévision publique.

Parallèlement, sous prétexte de contraintes budgétaires imposées par l’Etat, les restrictions en interne se sont imposées à tous les salariés de la télé ou du numérique, en CDI comme en CDD. Sauf chez les prestataires privés dans le numérique, certains producteurs de programmes, certains cabinets de consulting tous corps de métiers confondus et, bien sûr, dans la super-structure. Ceux-là ont vu s’ouvrir l’épais carnet de chèques:

il s’agissait de nourrir les réseaux capables d’assurer sa réélection malgré un bilan piteux, consistant en davantage d’affichage que de fond.

Pour faire avaler cette pilule, deux ingrédients indispensables : quelques partenaires sociaux complices et une ligne hiérarchique appliquant sans barguigner des décisions incohérentes. Et un énième PDV, une arnaque de première !

Il se terminera par beaucoup d’argent public consommé et encore plus d’ETP à son terme qu’à son origine.

Pour produire de la télé ou améliorer les conditions de travail dans les services, peut-être ?

Sans doute pas, ce qui annonce un retour de bâton bien vert de la tutelle !

Retour de bâton que les salariés, eux, subiront de plein fouet.

Ainsi nous a-t-on rapporté, des CODIR en visio (le conseil des ministres de FTV) où plus personne, plus aucune éminence grise de cette grande direction n’ose, non pas contester, mais simplement prendre la parole derrière la grande prêtresse. Le vide sidéral, qui n’empêche pas les grincements dans les couloirs. Ceux, même compétents, qui n’étaient pas dans la courbure ont fini par dégager peu à peu. Reste une armée de bons petits soldats, cantonnés Porte de la Muette.

Ainsi a-t-on vu se déployer, dans l’acte 2 de la machine à broyer les énergies, les enquêtes bidon de cabinets dociles et fantoches, ayant pour objectif de virer sur commande.

À Lille et aux Sports, avec le cabinet Interstys, la justice ordonne maintenant à FTV de communiquer les témoignages anonymisés aux plaignants « virés ». Encore récemment à Montpellier, où SECAFI – cabinet ami de la CGT et ancien employeur de l’actuel directeur du dialogue social – déploie les mêmes méthodes nauséeuses pour justifier le limogeage d’un rédacteur-en-chef.

Un limogeage digne de Wall Street, mais qui ne se passe pas comme la directrice régionale, le directeur du réseau France 3 et même certains élus ne l’envisageaient.

Évidemment, ces enquêtes à charge ne produisent pas que des succès de librairie, mais d’abord des dossiers sans faits et par conséquent mensongers. Des enquêtes qui n’en sont pas puisque rien n’est recoupé.

Il s’agit juste de faire régner la peur et d’éviter tout débat sur le fond.

Rappelons qu’à la rédaction nationale en 2015/2016, on a soigneusement évité toute enquête. Pourtant là, la matière était abondante !

In fine, ces dossiers font prendre des risques à celles et ceux qui sont poussés à balancer leurs collègues, encadrants ou non.

Le risque ? Celui de la justice pénale et de la dénonciation calomnieuse, voire du harcèlement.

Mais celà, elles et ils le découvriront – ou le découvrent maintenant – au fil du développement des contentieux.

Parmi celles-ci et ceux-là, il y a bien sûr toute la chaîne hiérarchique qui « collabore » ou se tait devant ces méthodes vichystes du 21eme siècle, qui aurait fort à gagner en retrouvant un peu de courage et d’honneur dans les CODIR sibériens.

Commanditer la honte publique pour éviter le débat sur le fond. Asseoir son pouvoir sur la peur. Utiliser de l’argent public pour sa propre stratégie, mais plonger les salariés dans la culpabilité de « coûter trop cher ». Voici les piliers sur lesquels repose le règne ernottien.

La cote d’alerte du management brutal et inefficace de Delphine Ernotte est aujourd’hui largement dépassée et inversement proportionnelle à sa cote de popularité auprès des salariés, comme sous les ors des palais du pouvoir.

Madame La Présidente, vos séjours longs et fréquents en Suisse, au siège de l’UER, ne vous protègeront pas indéfiniment de tous les boomerangs que vous avez vous-même lancés.

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