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Affaire Clémentine Sarlat : le journalisme racoleur ne peut servir une cause juste

Les faits décrits par Clémentine Sarlat sont graves. Les paroles qu’elle rapporte, dérangeantes. La douleur dont elle témoigne est bouleversante. Ses déclarations publiées dans L’Equipe promettent de faire émerger d’autres affaires présumées dont la très grande majorité des salariés n’a jamais entendu parler.

Au-delà de la légitime émotion suscitée par ces propos et du choc qu’ils constituent pour notre collectif de travail mais aussi pour tous les citoyens, ils ne reposent en aucun cas sur des preuves. Dans des affaires de cette importance, pour des accusations aussi graves, il existe une déontologie dans notre profession et des lois sur le droit de la presse. Des fondements juridiques et professionnels, qui garantissent la protection des victimes et la présomption d’innocence.

En ignorant le principe de l’enquête contradictoire, le journal L’Equipe commet une faute à l’égard de Clémentine Sarlat mais aussi d’un groupe, mal défini dans le texte, bien que clairement ciblé, sans preuve ni information recoupée, que l’on peut nommer ainsi : « Les Sports de France Télévisions ». La mention en bas d’article : « la direction des sports de France Télévisions n’a pas souhaité faire de commentaires » ne peut être considérée comme une tentative de chercher la vérité. Surtout quand cette Direction n’a été contactée que quelques heures à peine avant « le bouclage », selon nos informations.

Dans son enquête sur Adèle Haenel et Christophe Ruggia, dans Mediapart à l’automne dernier, Marine Turchi a sollicité 36 témoins pour 30 interviews réalisées, 23 n’étaient pas anonymes. La journaliste a expliqué : «Le témoignage de la comédienne nous a frappés par sa précision – circonstancié, daté, documenté. Pour autant, il nous a semblé impératif non pas de le publier en l’état, mais de prendre le temps d’enquêter sur chaque élément». Le quotidien L’Equipe a également mené plusieurs semaines d’investigations avant de «sortir» des témoignages circonstanciés et des révélations étayées sur des agressions sexuelles et du harcèlement au sein des fédérations de plusieurs sports, dont le patinage et la natation.

Dans ces affaires, les faits, parfois prescrits, sont bien plus graves puisque potentiellement passibles de sanctions pénales. Autre différence, les auteurs présumés des faits révélés sont nommés. Ce n’est pas le cas dans l’article de L’Equipe qui nous concerne. Mais la faute est encore plus lourde car la publication jette la suspicion et l’opprobre sur plus de 150 salariés, administratifs, techniciens et journalistes. Elle fait aussi peser le soupçon sur la capacité de notre entreprise à prendre en charge et traiter les cas de harcèlement alors que nous savons que c’est l’’une des priorités affichées de votre mandat.

Ces manquements portent également préjudice à Clémentine Sarlat puisque son témoignage se trouve fragilisé par l’absence d’encadrement et de mise en perspective de sa parole. La publication de ses propos a donné lieu à un torrent de commentaires, d’insultes, de prises de positions tranchées et d’avis définitifs. C’est l’époque. Mais ce déferlement a des conséquences sur des femmes et des hommes qui évoluent dans la vraie vie et qui ne méritent ni les caricatures, ni les approximations. Simplement la vérité et la transparence.

Madame la Présidente, vous avez donné mission au cabinet Interstys de mener un audit au sein de la Direction des Sports. Nous nous en félicitons et collaborerons rigoureusement à l’enquête dont nous sommes certains qu’elle permettra d’établir, en toute indépendance, les faits et les éventuelles responsabilités.
Nous regrettons cependant que vous ayez donné l’impression par vos déclarations dans ce même journal l’Équipe, d’avoir tiré la conclusion de l’enquête avant qu’elle ne soit réalisée.

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